Ces dernières grandes vacances m’ont offert un temps libre bienvenu pour réparer quelques machines.
Le point commun entre toutes ces pannes ? Elles sont dûes à un problème de socket.
Note : je n’aborderai que CPU desktop.
Le socket est le connecteur de la carte mère qui accueille le CPU.
Avant les années 90, les CPU étaient packagés dans des puces au format standard DIP ou PLCC. Le DIP est limité à 64 broches et le PLCC à 84 broches.
BIOS au format PLCC (Wikimedia)
CPU au format DIP (Wikimedia)
Les pins ont deux fonctions principales :
Pour augmenter la puisssance de calcul, les fabricants de microprocesseur doivent augmenter le nombre de transistors, donc la consommation. D’autre part, avec l’amélioration de la finesse de gravure des transistors permet d’intégrer un nombre plus important de fonctions sur le microprocesseur, ce qui accroit le nombre d’entrées-sorties nécessaires.
Sur un socket AMD 939, 54% des broches sont dédiées à l’alimentation (wikichip.org).
Il a donc fallu multiplier les broches. Le package PGA a remplacé le PLCC car il ajoute une dimension en plaçant les pins sous la puce, sur plusieurs rangées. A cause du nombre élevé de pins, il n’est plus possible de fixer le CPU sur un socket à ressorts car la force nécessaire pour le connecter et le retirer serait trop importante. Les PGA s’insèrent donc sur des sockets de type “Zero Insertion Force” (ZIF) qui maintient chaque pin et les translate horizontalement pour les mettre au contact d’un ressort.
Le socket PGA a été largement utilisé, de l’Intel 486 (168 broches) aux AMD Zen 3 en socket AM4 (1331 broches).
Socket PGA pour Intel 486 (Wikimedia)
La forêt de broches du package PGA rend le stockage et la manipulation des CPU périleux : il est très facile d’en plier une. Le prix des CPU étant sensiblement plus important que celui des cartes mères, pourquoi ne pas mettre ces pins fragiles sur la carte mère ? C’est le principe du socket LGA : il contient une matrice de ressorts qui viennent en contact avec des pads dorés sur le CPU et bloque le CPU en sandwich à l’aide d’un cadre métallique. En contrepartie, l’utilisation de ressorts à la place de pins rigides rend les contacts particulièrement fragiles. Le LGA a d’autres avantages : de meilleures caractéristiques électriques à haute fréquence et la possibilité d’automatiser le montage du CPU sur une chaine de production.
Socket LGA 1151 (Wikimedia)
Dans le domaine grand public, le LGA fait son apparition en 2004 sur des Pentium 4 et reste utilisé dans la dernière génération d’Intel Core i. AMD s’en est servi à partir de 2006 pour ses processeurs professionnels Opteron puis à partir de 2017 pour les processeurs grand public. Depuis la fin du socket AM4, tous les processeurs utilisent un socket LGA.
Le monde du socket pour CPU ne s’arrête pas aux PGA et LGA : les sockets de type Slot ont brièvement fait leur apparition en 1997 sur les Intel Pentium II et Pentium III. Intel avait besoin de positionner le cache L2 à proximité du CPU, donc a monté ces deux puces sur un PCB dédié qui s’enfiche sur la carte mère. Avec l’amélioration de la finesse de gravure, le cache L2 a pu être intégré au CPU donc ce montage est devenu obsolète.
Slot 1 (Wikimedia)
Pour conclure sur cette section, voici l’évolution du nombre de broches en fonction du temps (source). On remarque une stagnation, en dehors des monstrueux Threadripper et Haswell-E :
A la fin des années 1990, les cartes mères comportaient 3 puces d’entrée-sortie principales :
En 2003, AMD sort l’architecture K8 dont les performances font un bond en avant, notamment grâce au déport du contrôleur de RAM du northbridge vers le CPU. La latence de la RAM est ainsi réduite. En contrepartie, il faut ajouter des pins… Intel a appliqué cette modification tardivement à partir de la première génération de Core i (Nehalem, 2009) et est même allé plus loin en ajoutant le contrôleur PCI-E au CPU. Aux côtés de l’indémodable Super IO ne reste plus qu’une puce pour gérer les autres entrées-sorties : le Platform Controller Hub (PCH). Actuellement, toutes les plateformes Intel et AMD suivent cette architecture.
Tiens, mon sujet n°1 est équipé d’un Core i5 de première génération… Si un slot de RAM ne fonctionne pas, c’est probablement parce qu’il y a un mauvais contact au niveau du socket. Une inspection à la loupe a montré quelques irrégularités sur certains ressorts. J’ai tatonné et tenté un léger redressement mais je n’ai pas dû être assez soigneux car le PC ne démarre plus…
Il y a une grande dispersion sur le point de contact des ressorts, certains étant à la limite du pad.
Le PC de jeu est équipé d’un Intel Core2 Quad monté sur un socket LGA 775. Ce socket est intéressant car il a vu passer de nombreux types de CPU. Nous sommes au début des années 2000 et sa course folle aux MHz. Intel crée l’architecture Netburst capable de monter très facilement en fréquence au prix d’une efficacité décevante et d’une dissipation thermique importante. Les AMD Athlon étaient plus efficaces mais fonctionnaient à une fréquence plus lente. Pour ne pas être défavorisé du point de vue marketing, AMD a rétabli le Performance Rating : un Athlon 64 à 2 GHz était vendu comme “3000+” pour montrer son équivalence à un Pentium 4 3 Ghz.
L’arrivée et le déclin de Netburst est clairement visible entre 2002 et 2006.
Le LGA 775 est apparu sur les Pentium 4 Prescott. Ensuite, il s’est vu infliger le Pentium D qui est un assemblage de deux Pentium 4, entrainant une dissipation record de 130W sur la moitié des modèles (voir article dédié). Vers 2006, Intel a enfin abandonné l’architecture Netburst et a ressorti l’architecture P6 du Pentium Pro (1995). Elle a donné naissance aux Core et Core2 aux performances remarquables. AMD, qui s’est endormi sur ses lauriers, se fait rattrapper par Intel et tente de rivaliser avec des CPU qui n’ont jamais convaincu (K10, Bulldozer et dérivés). Il faudra attendre 2017 pour qu’AMD challenge de nouveau Intel avec son architecture modulaire Zen qui rend abordable des processeurs au nombre de coeurs élevé.
Si le TDP des microprocesseurs a suivi une croissance sans faille entre 1995 et 2005, la tendance est à la stagnation mis à part pour certains modèles haut de gamme.
Revenons à mon Core2 Quad. Comme son nom l’indique, il a 4 coeurs physiques. Il est équipé d’un ventirad lourd, étroit et haut, assez pénible à installer, qui a tendance à tordre la carte mère. Lorsque j’ai commencé à utiliser le boitier de PC en position verticale, Linux ne détectait plus que 3 coeurs. En remettant le boitier à l’horizontal, suprise : les 4 coeurs reviennent. J’ai donc affaire à un ventirad trop lourd qui abîme le socket et empèche un contact uniforme des ressorts. Morale de l’histoire : placez vos tours horizontalement comme dans les années 1990.
Ma carte mère bi-Opteron m’a servi de PC principal pendant plusieurs années et a refusé de démarrer suite à un nettoyage complet. Elle traine dans un placard mais les deux histoires ci-dessus me poussent à aller jeter un oeil aux sockets. En sortant l’un des CPU, je remarque que l’un des pads a une saletée accrochée. Il s’avère que c’est l’extrémité d’un ressort du socket qui y est resté collé. Il a peut être fusionné avec le pad suite à un échauffement. Tant pis…
Un succès sur trois, ça donne le moral dans les sockets mais j’aurais appris qu’ils sont fragiles, de plus en plus complexes, et qu’on peut les ménager en positionnant ses cartes mères horizontalement.
Note : les graphiques ont été construits grâce à ces données.